1914-1918 đ
Le football : une passion anglaise
Le football est si populaire outre-Manche que le ministĂšre de la Guerre britannique va recruter des soldats directement sur les terrains ! En 1914, Ă Accrington, une ville industrielle du nord de lâAngleterre, le jeune James Snailham se porte volontaire pour aller au front. Au mĂ©decin qui lui demande la raison de son engagement, il rĂ©pond : « Mes amis sâengagent et moi, je joue au football avec eux tous les samedis, il faut que je parte aussi. » Ainsi le jeu traversa la Manche. En dĂ©cembre 1914, le 18e bataillon de service du Middlesex Regiment comporte 1 350 soldats. Et tous sont des footballeurs, professionnels ou amateurs.
Les tommies jouent tellement quâil faut construire plus de terrains. Les gĂ©nĂ©raux anglais dĂ©cident alors dâen installer un dans chaque cantonnement. De Calais au Havre en passant par Abbeville, la pratique sâĂ©tend, au grand dam des agriculteurs locaux qui voient leurs pĂąturages piĂ©tinĂ©s par les fous du ballon rond.
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Des rÚgles adaptées à la guerre
Une rĂšgle est spĂ©cifique Ă ces tournois en temps de guerre : les matches sont courts. Pas question de jouer quatre-vingt-dix minutes comme aujourdâhui. En 1915, lors dâun tournoi, « les matches durent deux fois vingt minutes », prĂ©cise le journal rĂ©gimentaire Fall In. Il ne faut pas que les Allemands repĂšrent les lieux de rencontres et les pilonnent. « Il nâĂ©tait pas rare que les matches soient interrompus du fait dâun ordre de dĂ©part en premiĂšre ligne ou de lâarrivĂ©e dâun obus sur le terrain de jeu. Au lieu de stopper leur pratique, ils adaptent les rĂšgles du jeu Ă la conjoncture des combats », souligne Arnaud Waquet.
A force de pratique quasi quotidienne cĂŽtĂ© britannique, le virus se transmet aux soldats français. « Le football [âŠ] sĂ©vit en ce moment chez les poilus. Des Ă©quipes se sont formĂ©es et, dans chaque section, câest Ă qui rentrera le plus de buts », peut-on lire dans le journal des tranchĂ©es Le Gafouilleur. Dans son carnet, en septembre 1916, le soldat Edouard Mattlinger Ă©crit : « Cet aprĂšs-midi, je suis allĂ© Ă un match de football organisĂ© par le 132e et le 106e. Le 132e a gagnĂ© par 3 buts Ă 1. » En plus dâentretenir lâendurance physique des soldats, il prĂ©serve leur moral. Une bonne partie fait oublier â lâespace dâun instant â lâeffroi de la mort, du sang, des poux, des rats ou des Ă©clats dâobusâŠ
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En 1917, le football va dĂ©finitivement entrer dans les mĆurs françaises. Cela fait trois ans dĂ©jĂ que les soldats subissent lâenfer des tranchĂ©es. LassĂ©s des offensives meurtriĂšres lancĂ©es pour gagner un bout de colline, de nombreux poilus se mutinent. Pour calmer les esprits, Philippe PĂ©tain, tout nouveau gĂ©nĂ©ral en chef, prend des mesures. Le football rĂ©pond « psychologiquement et physiologiquement aux besoins de ces hommes soumis Ă tant dâĂ©preuves et dont la santĂ© morale exige quâils puissent oublier les visions douloureuses du drame auquel ils assistent », assure-t-il. DĂšs lors, « les officiers procurent aux jeunes soldats toutes facilitĂ©s pour pratiquer ». Le 24 septembre 1917, le ministĂšre de la Guerre fait lâacquisition de « 4 000 Ă 5 000 ballons » afin de les distribuer sur le front. La semaine suivante, des officiers dâĂ©tat-major et lâUnion des sociĂ©tĂ©s françaises de sports athlĂ©tiques se rĂ©unissent pour un congrĂšs sportif militaire. Des rencontres inter-rĂ©giments et interalliĂ©es sont organisĂ©es. Les roulements en premiĂšre ligne sont accĂ©lĂ©rĂ©s. Des championnats sportifs militaires sont mis en place. La vague du foot dĂ©ferle sur lâarmĂ©e française. Chacun des huit millions de soldats mobilisĂ©s se familiarise avec ce sport jusquâici peu pratiquĂ© dans lâHexagone. On crĂ©e la premiĂšre compĂ©tition nationale : la Coupe de France. Le 7 octobre 1917, les premiers matches sont disputĂ©s. Quarante-huit Ă©quipes venues de toute la France y participent. On invite mĂȘme deux clubs anglais, le British Aviation FC et le London County SC. En mai 1918, plus de 2 000 spectateurs se ruent au stade de la LĂ©gion Saint-Michel, Ă Paris, pour assister Ă la finale entre lâOlympique Pantin et le FC Lyon (victoire de Pantin 3 Ă 0). AprĂšs les soldats, le public est Ă son tour conquis.